Le train tout là-bas, jamais n’arriv’ra…

Couverture du recueil publié par l’éditeur Daverdain le matin de Noël 1933. © DR/Coll. J. F. Heintzen
Les journaux n’ont pas l’exclusivité du récit de l’actualité. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les très populaires chanteurs des rues la mettent en musique, qu’elle soit légère ou tragique, ils vendent leurs paroles imprimées. La catastrophe ferroviaire de Lagny-Pomponne, survenue le 23 décembre 1933, ne fait pas exception. Il faut croire que « Tout finit par des chansons » (Beaumarchais)…
« Roule, roule, train du malheur, Dans la plaine assombrie… » Les amateurs de chanson française connaissent assurément Le Train fatal, succès créé par Bérard en 1918 : la dispute féroce entre deux rivaux épris d’une belle, et par ailleurs collègues sur la même locomotive, entraîne un train bondé vers l’accident terrible. Mais tout cela n’est que fiction, heureusement.
Bien réelle en revanche est la catastrophe de Lagny-Pomponne (Seine-et-Marne), le 23 décembre 1933, qui cause le décès de 214 voyageurs et en blesse 300. Mais on n’en fit pas de chansons, pensez-vous… Pourtant, deux jours plus tard, dès le matin de Noël, les chanteurs des rues proposent à la vente plusieurs refrains à propos de cet accident.
Pour les auditeurs que nous sommes aujourd’hui, la chanson est synonyme de divertissement, et le fait qu’elle puisse traiter de tragédies réelles « en direct » peut nous apparaître surprenant, quasiment sacrilège. Or ce fut pourtant l’usage, dans nos rues et sur nos places, jusqu’à la Libération : la chan-son racontait l’actualité.
La chanson d’actualité
Les chanteurs des rues Jusqu’à la dernière guerre, la diffusion publique de musique enregistrée est rarissime en plein air. De sorte que dans les rues et sur les places de village, à la sortie des entreprises ou lors des marchés, des chanteurs ambulants installent leur éventaire : un accordéon, un banjo, parfois une batterie, un chanteur avec son porte-voix et quelques comparses pour vendre les « petits formats » avec les paroles.