Nos aïeux nous ont légué un patrimoine matériel et culturel d’une valeur inestimable. André Presle, Benoît Zielinger, Jean Clavequin, Pierre Schneider et tant d’illustres anonymes, hommes de l’ombre, ont consacré une partie de leur vie et de leur fortune pour faire perdurer une passion, un amour de la traction vapeur. Depuis quelques années, une nouvelle génération a la lourde responsabilité et l’immense privilège de faire vivre cet héritage. Délectons-nous de leurs témoignages en nous replongeant dans ces histoires fantastiques qui ont permis de rendre les « Miss Liberty » immortelles.
Les Mikado, des machines venues d’un autre continent
Avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, il ne reste plus que 22 % des 16 000 locomotives que possédait la France en 1939. De surcroît, les locomotives les plus modernes et performantes sont réaffectées sur les lignes allemandes.
Pour assurer le ravitaillement des armées et du pays, la remise en état du chemin de fer est primordiale. René Mayer, chargé du ministère des Transports et des Travaux publics du général de Gaulle à partir de septembre 1944, s’empare de cette mission.
L’entreprise Baldwin Locomotive Works est mandatée, en urgence, pour dessiner les plans et adapter le modèle Mikado aux standards européens. En novembre 1944, l’ingénieur Robert Léguille est chargé, avec quatre confrères de la SNCF, d’aider à établir les cahiers des charges avec les Américains. Le 25 février 1945, le contrat est signé pour l’achat de 700 locomotives à vapeur, de type Mikado légère USRA, à des entreprises américaines des États-Unis, les Canadiens renforçant la production pour la seconde tranche. Finalement, la commande monte à 1 340 machines pour un montant s’élevant à 200 millions de dollars. Le tout financé dans le cadre de la loi américaine Prêt-Bail de 1941, permettant aux États-Unis d’aider les Alliés dans l’effort de guerre. L’ensemble des commandes est honoré par cinq entreprises nord-américaines :
• Baldwin Locomotive Works
• American Locomotive Company
• Lima Locomotive Works
• Montreal Locomotive Works
• Canadian Locomotive Company
Les inoubliables et splendides « MikadO » de la série « 141 R » numéros 1 à 1340 sont des locomotives à vapeur unifiées de la SNCF qui furent largement utilisées pour tous services sur l’ensemble du réseau ferré français de 1945 à 1974.
Construites en Amérique du Nord [les USA et le Canada] en deux séries (1 à 700 et 701 à 1340) suivant un modèle inédit en France, utilisées partout et pour toutes les tâches et besoins ferroviaires, elles sont intimement liées au renouveau du réseau ferré français d’après-guerre ainsi qu’à la fin de la traction à vapeur en France.
Parmi les machines soigneusement préservées, il y a l’unique beauté ferroviaire « 141 R 568 », construite par la fameuse Baldwin Locomotive Works aux USA en 1945. Chauffant au charbon, elle est rachetée à la SNCF le 21 mars 1975 par André Presle, puis par la CITEV, et enfin par « l’association 141.R.568 ». Basée à Vallorbe (Suisse), la « 141 R 568 » est toujours en un très bon état de marche. Et avec un total de 2900 chevaux, la locomotive historique peut atteindre les 100km/h.
Embarquer à bord d’un train unique en Suisse et revivre l’épopée des trains à vapeur dans un cadre idyllique entourés de férus des chemins de fer est possible grâce à « l’Association 141.R.568 » qui exploite une locomotive à vapeur de type 141R (la 141R 568) et une dizaine de voiture voyageur de classe différente.
Quelque 30 bénévoles œuvrent régulièrement pour entretenir le matériel roulant et assurer un service de qualité aux clients lors des voyages.
La 141R 568 qui est une variante de la série 141 R [Mikado français] possède des châssis en barres et des roues Boxpok sur l’essieu coudé.
Au cours de sa carrière à la SNCF, la 568 était basée à Belfort où, parmi d’autres itinéraires, elle se rendait à la station de Delle à la frontière suisse, à Boulogne (où elle transportait couramment les lourds wagons-lits express sur la première étape de leur voyage jusqu’à Amiens) et au centre houiller et sidérurgique de Sarreguemines en Lorraine.
Plus tard, la 568 se fraya un chemin à l’embranchement français de Capdenac dans le sud de l’Auvergne où elle devait tracter des trains touristiques, un projet qui, ayant échoué en France, est aujourd’hui un succès en Suisse.
L’appellation Mikado vient du fait que la première locomotive de ce type fut livrée par le constructeur américain Baldwin au Japon en 1897 et donc ainsi dénommée en l’honneur de l’Empereur du Japon.