Historien qualifié des ateliers d’Épernay où il a été admis à l’âge de 14 ans comme apprenti sans le bénéfice d’un sang cheminot, Pierre Guy terminera sa carrière en 2003 en tant qu’ingénieur de maintenance à la direction du Matériel, après avoir tenu divers postes en établissements de maintenance des locomotives. Responsable du centre de formation d’apprentis de Châlons-sur-Marne durant cinq ans, il était particulièrement qualifié pour juger de la pertinence et de l’évolution d’un système d’apprentissage tôt élaboré à la Compagnie de l’Est. Revu et généralisé sous l’enseigne de la SNCF, il inspirera les lois de 1959 sur l’apprentissage alors promu par Michel Debré. À ma demande, voici donc une riche contribution à son histoire objective, complément à un dossier précédemment paru (« Le temps des apprentis », Historail n° 3, septembre 2007, p. 34-95), enrichie aussi du témoignage vécu d’un bénéficiaire de l’ascenseur social qu’était alors la SNCF pour nombre de ses recrues. Dans la prochaine livraison d’Historail, Pierre Guy traitera de la liquidation délibérée des centres d’apprentissage MT à la SNCF.
Dès 1839, Marc Seguin, fort de son expérience à la tête du Saint-Étienne–Lyon, rappelant qu’il faut « dresser des jeunes gens à conduire, à réparer et à construire des machines », avançait cette option : « Les enfants peuvent être élevés dans cette carrière dès leur bas âge : le jeune commence à être chauffeur, puis il passe à l’atelier pour se mettre au fait de la construction et à la réparation puis il en sort pour conduire les machines. » Option de formation sur le tas retenue dans les ateliers de La Chapelle du Nord et ceux de Sotteville que dirige William Buddicom, entrepreneur de traction au service de la Compagnie de Paris à Rouen : « Les jeunes ont plus de docilité et de subordination que les ajusteurs et ouvriers adultes ». Cette option est rejetée par certains dirigeants, tels Auguste Perdonnet et Hen- ry-Hind Edwards de la Compagnie de Paris à Strasbourg, considérant que les ouvriers qualifiés ainsi formés manifesteraient « une grande propension à la revendication ». Les grèves dans les ateliers parisiens lors du printemps révolutionnaire de 1848 révèlent bien des foyers ainsi prédisposés !
On comprend désormais clairement que ces beaux et précieux temps-là sont révolus.