Qu’il ait été spécifié pour un autorail, un métro ou un tramway, l’essieu indépendant a rarement été gage de succès. Sur les véhicules ferroviaires, les ingénieurs n’ont, jusqu’ici, jamais trouvé mieux que le bogie. C’est lui qui permet une parfaite inscription en courbe, et qui procure le meilleur comportement dynamique. Le roulement de l’autorail à deux essieux n’a pu parvenir à s’approcher de celui de son homologue à bogies qu’au prix d’indéniables complications, que surent davantage maîtriser les concepteurs de l’A2E français que ceux de cet incroyable autorail allemand…
Les trains de demain naissent parfois… d’un bon repas ! L’histoire m’a été racontée, voici quelques années, par un ingénieur en chef du Centre d’études et d’essais de la Deutsche Bahn (DB), à Munich-Freimann. Un jour de 1993, le président des Chemins de fer allemands, Heinz Dürr, déjeune au restaurant, en compagnie de ses plus proches collaborateurs. À un moment donné, il sort son stylo, et se met à dessiner sur la nappe en papier. Bientôt prend forme, sous l’œil intrigué de ses invités, l’esquisse d’un étrange autorail « mono- caisse » à deux niveaux, qui ne repose, de surcroît, que sur deux essieux. « Voilà ce que je voudrais que vous me fassiez ! », aurait alors lancé le président à ses collaborateurs. Étrange idée en vérité, et qui ne rentrait franchement pas dans les canons de la construction ferroviaire habituelle. Comment pouvait-on ainsi associer à l’objectif de grande capacité, que suggérait le recours à une architecture à deux niveaux, cet impératif, pour le véhicule, d’être court et léger, puisqu’il ne devait posséder, en tout et pour tout, que quatre roues ? Serait-ce les autobus à étage de la BVG (Berliner Verkehrsgesellschaft, les transports en commun de Berlin) qui avaient inspiré au grand patron cette transposition, assez osée, de l’univers urbain vers le monde ferroviaire ?