Au service de petites compagnies du nord de la France (1re partie)
Comment un jeune ingénieur de Centrale a promu et appliqué un modèle de gestion économique des voies ferrées d’intérêt local. Au point d’en faire la matière d’un traité à succès paru en 1870, d’être invité en 1878 par le Sénat à exposer sa doctrine, et de s’avérer en 1879 un farouche détracteur du Plan Freycinet…
Sorti de l’École centrale en 1860, Level va connaître une carrière exceptionnelle dans la « cour des petits », celle des chemins de fer secondaires et des voies ferrées d’intérêt local (VFIL), innovant tant sur le plan technique que gestionnaire. L’ingénieur novateur dirige de petits réseaux autonomes à capitaux locaux mais qu’épaule la Compagnie du Nord. Pour réduire par du « sur-mesure » coûts de construction et d’exploitation, pour répondre aux besoins locaux industriels et agricoles, Level met en oeuvre un « modèle économique » original où les moyens seront proportionnés aux ressources locales. Ce modèle va changer lorsqu’un consortium de banques parisiennes lui confiera en 1880 le développement de réseaux d’intérêt local dispersés aux quatre coins du territoire, placés sous la tutelle lointaine d’une même société, la Société générale des Chemins de fer économiques. Dirigée par Level jusqu’à son décès en 1905, on sait qu’elle connaîtra un succès durable. Quelle autre petite compagnie ferroviaire peut se flatter d’une telle longévité, dont les avatars successifs changeront d’enseigne jusqu’à nos jours : SGCFE, CFTA, CGEA, Connex, Veolia Transport, Veolia Transdev… À l’heure d’une relance des débats sur les petites lignes à faible trafic, il n’est pas inintéressant de retrouver les bonnes recettes que prodiguait Émile Level.