Au début du XXe siècle, l’hôtellerie de style occidental n’est représentée dans la péninsule coréenne que par une poignée de petits établissements. Le 10 octobre 1914, la Compagnie hôtelière des chemins de fer inaugure l’Hôtel Chosen, le premier grand hôtel et le plus célèbre de Séoul jusque dans les années 1960 (actuel Westin Josun). Le cabinet de l’architecte allemand Georg de Lalande (1872-1914), installé à Tokyo, est chargé de sa conception en même temps que de la gare de Séoul. Moderne, luxueux même, il est situé à mi-chemin entre le gouvernement général de Corée et la gare, à 300 m de la Banque de Corée ; sa construction fait partie de la restructuration complète de l’ancienne capitale. Le site choisi est celui du Temple du ciel (Wongudan) où l’Empereur célébrait les rites confucéens de sacrifice aux ancêtres. En fait, cette pratique perdue depuis le XVe siècle par la Corée, vassale de la Chine, n’a été rétablie qu’après son émancipation de la tutelle chinoise en 1895. C’est pour affirmer son indépendance en tant que fils du ciel, face à la Chine et au Japon, que le souverain coréen, devenu l’empereur Kojong, avait fait bâtir en 1897 l’autel principal, complété de tambours de pierre pour le 40e anniversaire de son règne (1902). Construite en 1899, une tour de trois étages sur une base de granite (Hwanggungwu) se distinguait des autres bâtiments traditionnels par sa forme octogonale proche d’un cercle, selon l’idée que le ciel est rond et la terre carrée. Les experts du Feng Shui avaient déterminé que l’énergie céleste se déverse sur ce site, tandis que, de la tour qui abrite les tablettes ancestrales de l’Empereur de jade céleste et des rois successifs, l’énergie monte vers les cieux.
La brochure Railway in Chosen de 1929 signale : « Le temple du ciel, qui présente un caractère historique demeure là ; il donne une touche artistique orientale à l’environnement de l’hôtel ; ses caractéristiques principales se rattachent à l’ancienne architecture coréenne. » Les Japonais partageant ces croyances en la géomancie, la transformation du temple du ciel en pavillon d’ornement de l’Hôtel des chemins de fer participe à l’annihilation de forces célestes et telluriques. La même année, dans une publication destinée aux hommes d’affaires, le consul de Grande-Bretagne indique que les hôtels des chemins de fer sont « raisonnablement confortables » et que des repas d’affaires peuvent y être organisés. En 1935, Bergman note que « Parmi les bâtiments modernes de Séoul, l’Hôtel Chosen mérite d’être cité. C’est le plus grand et le meilleur hôtel de type européen de Corée.