Le Yalu, sur plus de 800 km, forme le segment nord-ouest de la frontière coréano- mandchoue. Le site retenu pour la construction du pont se situe à 45 km de son embouchure ; en cet endroit, le fleuve est large de 900 m, mais il devient « une mer sombre » de sept kilomètres en période de crue. Le Yalu est un fleuve puissant, ses courants sont violents et les marées peuvent avoir une amplitude de 3,65 m ; à marée haute, sa profondeur peut atteindre 13 m. Pendant la mousson, le fleuve charrie des troncs de plusieurs mètres, des embarcations, des radeaux de bois flotté, des débris divers… Il est pris dans les glaces de début décembre à mars ; à la débâcle, des glaçons dérivants de plusieurs dizaines de mètres carrés descendent et remontent au gré des marées. Les calculs de résistance des piles doivent prendre en compte divers types de chocs, l’embâcle, les typhons… Il importe que les embarcations, si elles s’écrasent contre les piles, ne touchent pas le tablier ; les plus grosses étant des jonques de deux mètres de haut, une garde de 240 cm au-dessus des plus hautes crues est prévue. Le plan d’ensemble de l’ouvrage est confié à un ingénieur en chef japonais, tandis que la conception des travées revient à un consultant américain : six de 61 m et six de 91,5 m pour une longueur totale de 944 m. Côté Corée, l’ouvrage est prolongé au-dessus de la plaine inondable par une levée de 439 m avec des ouvertures laissant passer le flot. Le chantier dure 26 mois, mais, chacune des deux années, le travail est suspendu pendant quatre mois de gel et un mois de mousson. Il subit deux incidents graves. En avril 1910, une brutale fonte des neiges met en danger les échafaudages des piles n° 7 et 8, et interrompt le travail pendant une semaine ; en juillet suivant, un typhon emporte une partie du tablier en cours de construction, cependant, la tempête passée, la plupart des éléments sont repêchés. Les travaux se concluent par le montage d’une travée pivotante de 91,5 m, mue dans le plan horizontal par un moteur à explosion ; elle permet le passage des jonques à mât fixe qui ne peuvent facilement l’abattre. La sécurité des fondations ne pouvant être assurée par des puits au moyen desquels il eut été impossible de pénétrer les couches de roche, la mise en place des caissons pneumatiques sur lesquels reposent les piles est l’autre fierté des ingénieurs japonais. Le pont international est achevé le 27 octobre 1911, de façon à entrer en service une semaine plus tard. Le service express Pusan-Mukden est ouvert le 1er novembre et le pont officiellement inauguré le 3, jour de l’anniversaire de l’Empereur. Séoul est désormais à 15 jours de train de l’Europe. Par son ampleur, ce chantier est une première pour les ingénieurs japonais assistés d’experts étrangers. Une littérature abondante lui est consacrée ; par-delà les satisfecit et l’emphase, elle démontre l’importance stratégique conférée à l’ouvrage. Fin 1911, le Japon dispose d’un ensemble cohérent de voies de chemin de fer continentales. Moukden, au centre de la Mandchourie, n’est qu’à une cinquantaine d’heures de Tokyo, via Shimonoseki, Pusan, Séoul et Sinuiju.
Le Transcoréen traverse des régions sans obstacle naturel majeur, ce qui a permis des aménagements et des ouvrages d’art temporaires. Lancée dès la fin de la guerre russo-japonaise, la rectification des voies s’apparente à une reconstruction. Toutes les structures provisoires sont reprises, les ponts reconstruits, les rampes réduites à une pente maximale de 1 % (ce qui nécessite un nombre considérable de tunnels), le rayon des courbes élargi et la voie surélevée pour la mettre à l’abri des inondations provoquées par les précipitations estivales abondantes et les typhons ; de plus, afin de prévenir les affaissements de terrain, la ligne traversant essentiellement des rizières, une attention particulière est apportée au drainage. Dans les vallées étroites, la voie est construite en hauteur sur les basses pentes. Or, selon la tradition coréenne, celles-ci sont parsemées d’une multitude de tombes en forme de tumulus dont l’emplacement est déterminé par les géomanciens. Pour mener à bien les travaux, les ingénieurs japonais n’hésitent pas à les bousculer et à heurter la sensibilité des communautés villageoises, provoquant parfois la rébellion de districts entiers. La ligne Séoul-Sinuiju n’est ouverte au trafic commercial qu’en avril 1908. La même année, le gros des travaux de reconstruction de la ligne Séoul-Pusan est achevé. Pendant les années suivantes, tunnels, raccourcis et ponts continuent à être aménagés ; de 1911 à 1913, un second pont en acier est lancé sur le Han. Dès 1906, la Diète japonaise autorise la construction d’embranchements rayonnant à partir du Transcoréen, de façon à desservir les principaux sites portuaires de la côte ouest : Mokpo, Kunsan (1914) et Jinampo.
La rivière Yalu, connue par les Coréens sous le nom de rivière Amrok ou rivière Amnok, est une rivière à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. Avec la rivière Tumen à l’est et une petite partie de la montagne Paektu, le Yalu forme la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. Sa vallée est devenue le théâtre de plusieurs conflits militaires au cours des siècles passés. Plusieurs ponts permettent de franchir le fleuve, dont les plus importants sont le Pont cassé du Yalu, détruit par les Américains pendant la Guerre de Corée et le pont de l’amitié sino-coréenne, qui lui est parallèle.
Le Pont ferroviaire cassé du Yalu, situé sur le Yalu, joignant Dandong, dans la province du Liaoning, en Chine et Sinuiju en Corée (de nos jours Corée du Nord). Il est à moitié détruit lors d’une série de bombardements américains entre le 8 et le 14 novembre 1952, pendant la guerre de Corée. Le pont comporte une partie rotative, afin de laisser passer les bateaux.