Lorsqu’Émile Level décède le 16 mars 1905 à Paris, il présidait le comité de rédaction de la Revue générale des chemins de fer qui l’avait accueilli dès sa fondation en 1878. Des trois pages de la notice nécrologique que lui consacre le numéro de mai, extrayons quelques-uns de ses nombreux titres. En 1882, le gouvernement l’appelait au Comité d’exploitation technique des chemins de fer, puis, en 1887, au Comité consultatif. À trois reprises, il ira débattre des « lignes à faible trafic » au Congrès international des chemins de fer, à Bruxelles en 1885, à Milan en 1887 et à Saint-Pétersbourg en 1892. Membre de la Réunion des Chefs de service des chemins de fer depuis 1878, il est admis à la Conférence des Directeurs en 1881 : l’admission dans ces deux cercles privés, recrutant par cooptation directeurs et ingénieurs plutôt dans les grandes compagnies, témoigne de l’esprit de partenariat avec celles-ci qu’avait toujours défendu Level à la tête de petits réseaux secondaires.
Inspiré par leurs œuvres sociales, « homme de cœur et de bonté, il s’ingénia à trouver des combinaisons permettant d’accroître le bien-être des plus modestes agents », instituant en 1883 à la SGCFE la participation aux bénéfices, la gratuité des soins médicaux et la distribution de vêtements aux enfants des agents. Adhérant à la Société des ingénieurs civils de France en 1864, entré au comité en 1884, il est élu vice-président pour l’année 1892. Il avait été membre du comité technique du Crédit lyonnais, ingénieur-conseil de la Compagnie des Chemins de fer de l’État serbe, administrateur de la Compagnie du Nord-Ouest argentin, et avait rempli de nombreuses missions à l’étranger pour le compte de diverses sociétés et banques. Républicain du même bord modéré que Jules Ferry et Gambetta, résidant dans le 17e arrondissement, conseiller municipal pour le quartier de Ternes de 1881 à 1884, il en devient le maire de 1888 à 1899.
Lors de l’assemblée générale de la SGCFE du 23 juin 1905, un double hommage est rendu à Level, à sa fidélité et à ses compétences : « L’un des initiateurs des Chemins de fer économiques en France, M. Émile Level, avait contribué pour une large part en 1880 à la fondation de notre Société, et, pendant 25 ans, il a consacré au succès de l’œuvre qu’il avait entreprise, une compétence remarquable et une inlassable énergie. Nous devons à sa mémoire de constater ici les résultats qui, grâce à votre concours, Messieurs, ont été obtenus sous sa direction : d’une part, l’important développement de nos lignes qui comprennent actuellement plus de 1 750 km en exploitation et rendent au pays des services incontestés ; d’autre part, la prospérité de notre Société, qu’atteste cette année encore le bilan que nous vous soumettons.
Nous resterons fidèles aux principes dont s’inspirait M. Émile Level, et nous avons le ferme espoir qu’avec l’aide des collaborateurs qu’il a formés, nous pourrons maintenir notre Société dans la situation satis- faisante où il l’a laissée. » Level en a-t-il aussi bien profité ? Oui, puisqu’il détient 600 actions à son décès, 305 parts de fondateur et 494 obligations, de quoi intéresser l’éternel directeur des Économiques aux résultats de sa gestion.
Rappeleons que la Société générale des chemins de fer économiques (SE) a été une des grandes compagnies exploitant essentiellement des réseaux de chemins de fer secondaires en France. Créée le 12 février 1880 avec l’appui de la Banque de Paris et des Pays-Bas, elle exploitait essentiellement des réseaux de chemins de fer secondaires en France. Le réseau des « chemins de fer économiques » atteignait plus de trois mille kilomètres dans les années 1930. Elle prit en 1963 le nom de Société générale de chemins de fer et de transport automobile (SGCFTA), puis, après fusion en 1966 avec la compagnie des chemins de fer secondaires et transports automobiles (CFSTA), devint la CFTA, devenue Transdev Rail en 2019 et intégrée au groupe Veolia.