La première concession de chemin de fer est accordée en France le 28 février 1823
La rusticité des techniques que résument l’emploi de rails de fonte de 1,20 m et le recours à des chevaux et des plans inclinés, la précarité de l’exploitation de ce premier chemin de fer n’ont pas suscité de grandes célébrations, contrairement à l’ouverture en 1827 du SaintÉtienne – Lyon où circulent les locomotives de Marc Seguin, ou à l’inauguration de la première ligne vouée à un trafic de voyageurs en 1837, de Paris au Pecq. À de nombreux égards, la concession d’un chemin de fer à voie unique de 28 km, perpétuelle mais aux risques et périls des investisseurs, mérite pourtant le coup de chapeau : association d’individualités aux compétences et intérêts complémentaires, au service d’intérêts industriels locaux, houillères, hauts-fourneaux et forges, mais devant contribuer à la grandeur industrielle de la France ; il en est ainsi en particulier de deux ingénieurs des Mines distingués au plan national par leur réussite dans la métallurgie, Beaunier et de Gallois. Privilégiant ici des informations peu connues voire inédites, un reportage effectué en 1830 sur la ligne exploitée depuis deux ans révèle l’importance qu’eut le chemin de fer de Newcastle comme modèle, révélé en France en 1818 par de Gallois.
En 1835, les débuts de l’entreprise sont résumés ainsi : « Ce chemin de fer avait d’abord été proposé en 1818 par M. de Gallois, ingénieur en chef des Mines. En 1820, MM. Boigues, Milleret, de Lur-Saluces et Bricogne formèrent une société pour mettre ce projet à exécution. La compagnie envoya en Angleterre en février 1821 MM. Beaunier et Boggio pour étudier le mode de construction et d’exploitation des chemins de fer ; à leur retour, les études préliminaires commencèrent et le chemin fut autorisé par ordonnance royale du 26 février 18231. »
Appuyée en octobre 1821 par l’ingénieur des Mines de Gallois, une demande de concession adressée au ministre de l’Intérieur parvenait ainsi à une issue favorable, après examen de diverses instances, conseil général de la Loire, Chambre consultative des Arts et Manufactures de Saint-Étienne, préfecture de la Loire, Conseil général des Ponts et Chaussées, Comité de l’Intérieur. En 11 brefs articles, cette première ordonnance autorise six associés à établir « un chemin de fer de la Loire au pont de l’Âne sur la rivière du Furens, par le territoire houiller de Saint-Étienne. » Pour s’indemniser de tous ses frais, leur future compagnie sera autorisée à percevoir à perpétuité « un droit de 1,86 centime par kilomètre et par hectolitre de houille et de coak », doublé pour les autres marchandises ; en contrepartie, « la compagnie sera tenue d’exécuter constamment, avec exactitude et célérité, et sans pouvoir en aucun cas les refuser, tous les transports qui lui seront confiés, à ses frais et par des propres moyens. »
Il y a deux siècles, la belle et la bonne France ne pouvait pas savoir bien entendu qu’elle serait à l’avenir un pays ferroviaire révolutionnaire, mais le chemin de fer lui-même a immédiatement pris conscience de la réalité saisissante en question. Vive la France ferroviaire!