En 1935, les chemins de fer de l’Afrique occidentale française font l’objet d’une enquête menée par l’inspection générale des Colonies, appelée le Contrôle : situation financière, trafic, perspectives… Les circonstances motivent ces investigations de plusieurs mois sur le terrain : ausculter ces quatre réseaux alors que l’AOF commence à se relever de la crise de 1929, évaluer leur unification en cours, mais aussi envisager l’avenir de voies ferrées confrontées à la concurrence du transport automobile. En ce milieu des années 1930, l’attention portée aux voies ferrées de l’AOF éclaire la période la moins connue de leur histoire, de la grande crise économique aux indépendances. À commencer par le réseau le plus développé : le Dakar-Niger1.
Le gouvernement général de l’AOF qui dirige depuis Dakar les sept colonies du groupe, entreprend, à partir de 1930, d’agréger des lignes de chemins de fer construites depuis 50 ans avec des objectifs et des caractéristiques distincts. Au départ, ce sont des voies stratégiques conçues par les militaires. Puis l’administration favorise la construction de pénétrantes à vocation économique. Deux itinéraires sont concédés à des intérêts privés, le chemin de fer Dakar-Saint- Louis (DSL) au Sénégal et la Compagnie française des chemins de fer du Dahomey (CFCD). En 1931, les chemins de fer non concédés sont regroupés dans un budget unique, annexe au budget général de l’AOF. Ils sont structurés en quatre réseaux : Abidjan-Niger (AN, 800 km), Bénin-Niger (BN, 580 km), Conakry-Niger (CN, 662 km) et Dakar-Niger (DN, 1 690 km). Afin de les ordonner de AN à DN, l’appellation Bénin, abandonnée depuis 1894 au profit de Dahomey, est rétablie ! Ces appellations confirment aussi l’ambition de relier quatre ports majeurs au fleuve Niger.
Des « trains départementaux » destinés à du grand trafic
La complémentarité entre les chemins de fer et la navigation fluviale est envisagée dès la fin du XIXe siècle. Sur une carte, les fleuves de l’Afrique de l’Ouest s’imposent comme voie naturelle de domination ; ainsi que l’observe Gallieni, « il s’agit de mettre sur pied un vaste plan de pénétration sur la base du principe : utiliser d’abord les moyens existants qui sont en l’occurrence les deux grands fleuves : le Sénégal et le Niger »2. Dans la pratique, un régime saisonnier très marqué et l’absence d’aménagement limitent leur exploitation. Au Soudan français (Mali), le chemin de fer Kayes-Niger (552 km) est construit de 1881 à 1904 dans le but stratégique de réunir la vallée du Niger à la partie navigable du Sénégal, praticable trois mois par an…