Matériel emblématique du métro parisien, le Sprague a quitté le réseau il y a tout juste 40 ans.
Le premier janvier 1949, quand la RATP est officiellement créée, elle hérite d’une très lourde tâche, celle de moderniser les réseaux. Autobus comme métro sont sortis très affaiblis par le conflit mondial où les pénuries de pièces détachées et de main-d’oeuvre sont venues s’ajouter à des surcharges intensives. Alors que les besoins de modernisation sont criants, le métro connaît dans ces années d’après‑guerre des fréquentations records, franchissant un pic avec 1,598 milliard de voyageurs en 1946.
Depuis son ouverture en 1900, et après la catastrophe de Couronnes de 1903 (qui a posé les bases d’une exploitation sécuritaire), le métro a peu évolué. Le personnel est encore omniprésent, tant dans les stations qu’à bord des trains. Les motrices et les voitures les plus modernes sont arrivées en ligne à la veille de la guerre en 1936 et 1937. Au mitan des années 50, circulent encore des trains mis en service en 1910, à l’image des rames du Nord‑Sud qui ne quitteront la ligne 12 qu’en 1972. La priorité est donc de disposer d’un matériel moderne qui permette de mettre en oeuvre des méthodes d’exploitation un peu moins archaïques. La CMP d’abord, puis la RATP assez rapidement, travaillent à la mise au point de nouveaux trains offrant une plus grande souplesse d’exploitation et une fiabilité accrue.
Commencées durant la guerre, les études pour un train moderne d’un nouveau type permettent de mettre en service le MA51, matériel articulé appelé en théorie à remplacer toutes les séries de Sprague. Quand il entre en service sur la ligne 13 en 1952, le contraste avec les anciennes rames est saisissant. Ses lignes courbes, sa livrée bleu clair et jaune, la luminosité des voitures, le confort des banquettes, tout plaide en faveur du nouveau matériel (voir Historail n° 62).
En 1956, la transformation pour la circulation de rames sur pneus sur la ligne 11 entraîne un lot de Sprague vers la réforme. Il est notamment reproché à ces rames un confort très spartiate avec, entre autres, des banquettes en bois non rembourrées. Elles sont en grande partie transformées en matériel de travaux. Il en sera de même pour la ligne 1 entre 1963 et 1964 et pour la ligne 4 entre 1966 et 1967.
L’apparition du matériel fer MF 67 en 1968 sur la ligne 3 accélère la réforme du Sprague. Le MF 67 équipe ensuite la ligne 7 puis se disperse sur de nombreuses lignes. En 1975, les lignes 2, 3 bis, 5, 7 bis, 12 sont entièrement exploitées en Sprague et les lignes 8, 9, 10 partiellement. Les dernières motrices à deux moteurs disparaissent en 1976 de la ligne 2. Les dernières circulations des rames Nord-Sud ont lieu en 1972 sur la ligne 12. Outre leur vétusté, leur équipement électrique supporte mal l’augmentation de tension (de 600 à 750 V) intervenue sur le réseau en 1969.
L’arrivée du MF 77 en 1978 sur la ligne 13 accélère la chute du Sprague, désormais cantonné à la seule ligne 9. En 1982, leur radiation semble actée mais l’inondation de la station Église de Pantin met soudainement de nombreux MF 67 hors service. Pour maintenir le service sur la ligne 5, du matériel est prélevé sur la 9 ce qui accorde aux Sprague un sursis inattendu. C’est finalement le 16 avril 1983 que les quatre dernières rames Sprague de la ligne 9 cessent leur service. À l’occasion du dernier service, la rame arbore un panneau « salut l’artiste » et une foule nombreuse vient saluer son arrivée à la station Porte de Saint-Cloud. Le matériel Sprague-Thomson aura donc circulé 75 ans sur les lignes du métro, bien que les séries les plus anciennes aient été retirées les premières. Il semblerait toutefois que certaines motrices de 1908-1910 aient circulé en service commercial jusqu’en 1974, soit un service d’environ 65 ans, le record absolu de longévité pour un matériel parisien.
Bien après son retrait du service en ligne, le matériel Sprague-Thomson continue jusqu’en 2011 à sillonner les lignes du métro: sa robustesse permet à de nombreuses motrices d’être transformées en tracteurs de travaux. Plusieurs rames complètes ou véhicules isolés sont préservés par la RATP ou des associations. Une rame complète (deux motrices et trois remorques) ainsi qu’une motrice seule sont classées au titre des monuments historiques.
Depuis le 11 mai 2010, la RATP a émis une interdiction de circulation du matériel Sprague durant le service voyageurs. Cette interdiction ne concerne pas la rame A.475 qui a été modifiée spécialement, ce qui lui permet d’effectuer des circulations, par exemple, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine.