À travers sa célèbre chanson « Le Poinçonneur des Lilas », Serge Gainsbourg rend hommage à ce petit métier du métro disparu au milieu des années 70.
« Je fais des trous, des petits trous, toujours des petits trous. » La rengaine de Serge Gainsbourg avec son poinçonneur des Lilas est restée dans toutes les têtes, du moins de ceux de la génération Gainsbarre. Sorti en 1958, c’est l’un des premiers succès du chanteur qui peinait jusqu’alors à se faire un nom. Son idée de génie, très moderne pour l’époque, est de raconter le spleen du petit employé du métro, « le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas ». Personne ne s’était encore vraiment demandé ce qui se passait dans la tête du poinçonneur sur son quai, occupé à regarder le va-et-vient des rames de métro.
On lui tend un billet et il y fait un trou avec son étrange perforatrice si caractéristique. Dans sa petite cabine, il est le plus souvent assis et personne ne prend plus la peine de lui dire bonjour ou merci. À l’occasion, on se souvient qu’il peut aider à trouver son chemin dans le labyrinthe du réseau et on lui demande un itinéraire. Tout est gravé à jamais dans son crâne et il ne lui faut que quelques instants pour trouver le chemin le plus court. « Pour Invalides, changez à Opéra ». « Arts-et-Métiers direct par Levallois », chante encore Gainsbourg. La chanson est publiée sur un disque 25 cm « Du chant à la Une » très jazz comme il l’aime.
Malgré un passage télévisé montrant Gainsbourg habillé en agent de la RATP, il n’est bien sûr pas réellement poinçonneur comme le pensent encore de nombreux téléspectateurs.
En 1958,Serge Gainsbourg n’avait pas encore évolué en « Gainsbarre » qui aura amplement contribué à sa notoriété grand public, même si pour ma part je pense que dès cette période (fin des années cinquante, début des années soixante), Serge Gainsbourg aura produit de véritables chefs-d’oeuvre de pure poésie, hélas méconnus ou trop vite tombés dans l’oubli (et pas seulement sa chanson de 1961 : Les oubliettes).
Pour en revenir au Poinçonneur des Lilas, on sait peu que cette chanson a eu une suite, après que le poinçonneur a pris sa retraite ; il s’est retiré à Pacy sur Eure, commune dont il était devenu le fossoyeur (employé municpal), qui depuis lors ne faisait plus de petits trous dans des tickets, mais creusait des grands trous en terre (pour des enterrements de première ou de seconde classe) ; la musique était restée la même que celle du titre initial de 1958, mais l’idée de lui donner une suite est un des traits de génie du Serge Gainsbourg de cette époque.
Voici les paroles :
J’suis retraité du métro
à la campagne j’oublie ce sale boulot
J’ai un parc, une maisonnette,
Des p’tites fleurettes,
Des cyclamens, des bégonias,
Des chrysanthèmes mais pas d’lilas
Et sous le beau ciel de France
Je vois briller des objets de faïence
Car pour allonger la r’traite
Trop maigrelette
C’est moi qui suis le fossoyeur
Du cimetière de Pacy sur Eure
J’fais des trous, j’fais des trous
Je fais des grands trous
Des grands trous, des grands trous
Toujours des grands trous
Des trous de première classe
Des trous de seconde classe
J’fais des trous, j’fais des trous
Je fais des grands trous
Et j’préfère les grands trous
Aux tout petits trous
Tout petits trous tout petits trous